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dinsdag 31 januari 2017

Papiers pour tous ou tous sans papiers !

La revue nouvelle











L’année 2015-2016 fut une année pour le moins agitée pour ceux et celles qui prêtent attention à la thématique migratoire, et de surcroit à la mobilisation de migrants en vue d’obtenir un titre de séjour en Belgique. L’accord du gouvernement Michel réduisait déjà à peau de chagrin les chances d’obtenir une grande campagne de régularisation tant revendiquée par les collectifs de migrants et les associations qui les soutiennent. Seule la procédure de la demande d’asile, dont les modalités et les droits attenants sont contenus dans la Convention internationale de Genève, devait désormais permettre d’être légalisé en Belgique. Mais ce fut sans compter avec la « crise des réfugiés » à l’été 2015, muée rapidement en « crise européenne de l’accueil » qui, conjuguée à la restriction des places en centres ouverts et la lenteur manifeste de l’administration de l’Office des étrangers à traiter les quotas, déjà sous-évalués, de dossiers des familles syriennes, ne leur laissant d’autre choix que de camper au parc Maximilien durant de longues semaines. Sur fond d’attentats djihadistes et d’état d’urgence, la droitisation de l’échiquier politique a ouvert les portes à un immonde marchandage avec un État turc en pleine dérive autoritaire, désormais érigé au rang de garant externalisé de la bonne étanchéité des frontières de Schengen. Rendez-vous manqué avec l’Histoire pour une Europe en panne de projets, devenue en quelques décennies le champ de floraison de mouvements et de partis réactionnaires, dont les discours et pratiques de repli sur soi font planer une ombre de plus en plus opaque sur les idées d’universalisme qui avaient fait autrefois sa vertu.
C’est pour tenter de résister à ce contexte de durcissement en matière migratoire que s’est mis sur pied le groupe Migrations et luttes sociales (MLS) qui rassemble, sur fond de soutien aux mobilisations sociales de migrants, des chercheuses et des chercheurs issus de plusieurs disciplines des sciences humaines (sociologie, anthropologie, science politique, philosophie, droit), des membres d’associations et des militants de ce que Johanna Siméant avait appelé « la cause des sans-papiers [1] ». L’objectif premier de ce groupe de réflexion, formé à l’occasion de la journée d’étude éponyme en juin 2014 [2], est de parvenir à produire un contre-discours à même d’appuyer les contre-conduites qui ont cours dans les mouvements de mobilisation de migrants. Cette initiative nait d’un constat éprouvé de longue date dans les mouvements de mobilisation pour les droits des migrants en Belgique : ces luttes sont prises dans une urgence continue et récurrente qui laisse in fine très peu d’espace pour faire un retour réflexif sur ces expériences. MLS entend être une occasion de co-construire un espace de médiation et de reprise entre les acteurs hétérogènes qui y sont impliqués. Il s’agit d’expérimenter — sans gage de réussite — une forme d’intelligence collective autour des questions soulevées au sein des luttes des migrants, d’ouvrir des pistes, pour permettre un partage des pratiques, des expériences et des inventions qui ont cours dans ces mouvements-là. Dès lors, de par sa composition hétéroclite, MLS tente également de penser les modalités de l’articulation entre les sphères académiques et militantes autour des questions migratoires et de réfléchir aux moyens pour parvenir à envisager ces deux sphères, non pas comme des vases clos s’excluant l’un l’autre, mais comme des espaces d’échanges fructueux, où chaque partie intègre les éléments de l’autre susceptibles de favoriser une montée en puissance commune.
La formule adoptée cette année pour ces échanges fut celle de l’organisation d’un cycle de séminaires qui voyaient entrer en dialogue un-e chercheur/se de milieu académique et un-e militant-e, avec ou sans papiers, de la cause des migrants. Le dialogue était systématiquement suivi d’un échange avec le public. Le présent dossier a pour ambition d’offrir une synthèse des discussions collectives ayant pris pied au sein de l’organisation du cycle de séminaires Migrations et luttes sociales (2015-2016) [3] et de prolonger la discussion.
Ce dossier est composé de deux parties.
La première partie présentera les éléments théoriques servant de cadre aux analyses de la seconde partie. Les enjeux liés aux migrations et les défis auxquels font face les migrants dans leur combat pour la régularisation doivent, en effet, être analysés sur la base des mesures que prend le pays d’accueil pour réguler (ou repousser) les migrations. Dans cette perspective, l’État joue un rôle primordial dans la construction sociale de l’étranger — du migrant — en structurant le cadre légal et extralégal dans lequel se meuvent les acteurs. Saisir ce cadre signifie se donner les moyens de dépasser la pensée d’État qui fige les catégories et les possibilités pour se créer un cadre nouveau, plus incluant.
Martin Deleixhe avancera que la réponse au défi politique posé par les réactionnaires populistes ne peut passer par la seule défense de l’État de droit et qu’elle implique de recouvrer la tradition de l’hospitalité, non pas seulement en tant qu’idéal normatif, mais aussi en tant que pratique politique, dans la tension qui tenaille les États démocratiques entre leur besoin de frontières et leur désir de les transgresser. Denis Pieret et Youri Lou Vertongen considèreront la notion de frontière comme « lieu de rencontre dialectique » entre le principe d’hospitalité et celui d’illégalisation. La frontière, en tant que membrane semi-perméable, et selon l’usage que les États décident d’en faire, peut en effet apparaitre autant comme un outil de « passage », que comme un dispositif « d’empêchement ». Les deux auteurs montreront dès lors que la frontière fait face à un apparent paradoxe entre, d’une part, une incitation permanente et généralisée à la mobilité, une tendance à l’ouverture des frontières et, d’autre part, la multiplication des murs, des mesures de lutte contre l’immigration clandestine et la militarisation des frontières. Enfin, Nouredinne Arbane et Andrew Crosby reviendront sur la manière dont les États tendent à marginaliser les étrangers. Ils montreront que cette marginalisation s’effectue à travers deux tendances complémentaires. La première est celle qui opère une distinction entre « bons » et « mauvais » migrants — motivée par une suspicion que les « mauvais soient majoritaires ». Cette tendance rend illégitime et criminalise. La deuxième tendance élève l’État en acteur humanitaire intervenant pour aider les personnes vulnérables, à condition somme toute que celles-ci puissent explicitement prouver leur vulnérabilité. Nous verrons que cette raison humanitaire légitime le rôle de l’État, maintient la suspicion envers des « faux vulnérables » et renforce donc l’illégitimation du migrant, que pourtant elle prétend soutenir.
La seconde partie du dossier sera consacrée aux acteurs des politiques migratoires et à leur manière de se confronter aux enjeux mentionnés dans le cadre théorique. Trois types d’acteurs seront abordés.
Premièrement, les institutions étatiques. Carla Mascia et Laura Odasso reviendront sur les politiques de regroupement familial en croisant différents terrains de recherche. Les deux auteures montreront que la figure du juge apparait progressivement centrale dans la mise en œuvre de la politique migratoire. Les différents acteurs ont des attentes et adoptent certaines postures — parfois stratégiques — vis-à-vis de la jurisprudence. Là où le demandeur attend du tribunal qu’il soit le garant in fine de la défense de ses droits, l’administration, pour sa part, attend de la jurisprudence qu’elle (ré)précise le droit qu’elles doivent appliquer. Tant les familles, les associations et les administrations recourent au droit. Ceci amène les auteures à considérer le droit comme une ressource ayant un caractère polysémique.
De leur côté, Mamadou Bah et Aurore Vermylen analyseront, à partir l’expérience située de Mamadou Bah, le procédé de « l’interview » dans les demandes d’asile en Belgique et en Grèce. Ils montreront que si ce procédé — aussi verrouillé qu’incontournable dans le parcours d’un demandeur d’asile pour l’octroi du statut de réfugié — se veut être un outil de vérification de la véracité des témoignages des migrants au moment de leur demande d’asile, il s’avère être davantage une machine qui produit des « faux réfugiés », à travers une pratique de l’entretien envisagé sur la base d’une présomption de mensonge des personnes demandeuses d’asile.
Deuxièmement, les acteurs associatifs. Grégory Mauzé se penchera sur les perspectives qu’offre la réflexion autour de la liberté de circulation et d’installation, telle qu’elle s’impose progressivement dans le champ académique et militant, pour les forces aspirant à la transformation sociale. Il en analysera le potentiel émancipateur, mais également les impensés et les zones d’ombre.
Enfin, la troisième partie se concentrera sur les acteurs migrants. Jacinthe Mazzocchetti et Martin Vander Elst se pencheront, sous la forme d’un dialogue, et à partir du contexte méconnu de l’ile de Malte, sur les processus de résistance aux formes de racisme d’État. L’occasion pour ces deux auteurs de revenir également sur certains écueils propres à la recherche ethnographique, comme celui de l’implication du chercheur sur le terrain dans lequel il intervient. Enfin, Annalisa Lendaro et Alizée Dauchy analyseront les mobilisations de migrant.e.s naufragé.e.s de l’ile italienne de Lampedusa, en Méditerrannée. Elles montreront plus largement comment ce que d’aucuns nomment le « modèle Lampedusa » participe à terme à la légitimation de politiques publiques qui, sous couvert d’aide humanitaire, en viennent à militariser l’espace terrestre et maritime aux abords de l’ile.
Ce dossier entend donc circonscrire certaines des dimensions théoriques (hospitalité – frontière – pensée d’État) et actorielles (État – associations – migrants) qui sous-tendent la compréhension globale — et beaucoup plus complexe — des enjeux soulevés par les migrations et leur gestion. Nous verrons que ces différentes dimensions ne doivent pas forcément être abordées comme des catégories étanches. Il s’agit, au contraire, de rendre compte de leurs multiples porosités et de leurs inter­actions, forcées ou nécessaires.
[1J. Siméant, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de SciencePo, 1998.
[2La journée d’étude avait fait l’objet d’un dossier spécial dans La Revue nouvelle« Migrations et luttes sociales », juin-juillet 2014.
[3Vous trouverez toutes les informations du cycle 2015-2016 des séminaires Migrations et luttes sociales (MLS) sur le site www.migrationsetluttessociales.wordpress.com. L’occasion pour nous de remercier chaleureusement toutes celles et ceux sans qui ce cycle n’aurait pas été possible, à commencer par les intervenant-e-s et discutant-e-s, ainsi que les différentes institutions qui nous ont hébergés cette année. Nous tenons également à remercier vivement toute l’équipe de Sans-PapiersTV (www.sanspapiers.be) grâce à laquelle nous pouvons diffuser les vidéos de nos séminaires. Notons, enfin, que le cycle MLS 2016-2017 est bel et bien lancé, et qu’il est reconnu cette année par l’École doctorale thématique en sciences sociales.
Migrations et luttes sociales (MLS) organise un cycle de séminaires dont l’objectif est de dépasser le cloisonnement de sphères présentées comme exclusives les unes des autres : militant/académique, théorique/empirique, avec/sans papiers… en faisant dialoguer des acteurs académiques et des acteurs de terrain autour du thème de la lutte des migrants en Belgique et ailleurs.

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