28/01/2020
Il est de plus en plus fréquent que des assistants sociaux, porte-paroles de l’Office des Étrangers dans les centres fermés (appelés par l’Office « assistants d’aide au retour ») conseillent le « retour volontaire » parfois sous la menace d’un « retour forcé avec la police et une interdiction de revenir pour plusieurs années (2 à 5 ans) ». Pour info : une expulsion suite à un Ordre de Quitter le Territoire est accompagnée d’une interdiction Schengen de 2 à 5 ans.
Pour les exilé·e·s de « passage », cette proposition est quasi systématique : un retour volontaire vers leur pays d’origine ou vers leur pays Dublin. Pour certains pays Dublin (Allemagne, France, Pays-Bas, les pays nordiques, …) les avocat·e·s conseillent en général de signer un retour volontaire, sauf cas exceptionnel. Ce retour volontaire évitera l’intervention de l’avocat·e, raccourcira considérablement la période de détention et reviendra à une libération dans leur pays Dublin. Ils pourront dans ce pays refaire ou continuer leur demande d’asile ou reprendre leur route migratoire.
Pour d’autres pays Dublin (Italie, Suisse, pays de l’est, Espagne, …) des recours sont possibles et conseillés en fonction des situations.
Certain·e·s détenu·e·s refusent ces expulsions et résistent, ce qui ne plaît pas au personnel des centres :
Un témoignage parmi d’autres :
« Le gars a été battu par 5 geôliers et mis en isolation durant 3 jours parce qu’il refuse de retourner en Italie. Il veut bien aller en France où il est en procédure d’asile »
D’autres, demandeur·se·s d’asile ou de régularisation, exilé·e·s en transit qui sont menacé·e·s d’un retour vers leur pays d’origine s’accrochent, résistent lors de leur tentative d’expulsion, témoignent ou passent à l’action. Certain·e·s entament une grève de la faim dans le centre, d’autres refusent de rencontrer l’ambassade qui devrait permettre à l’Office des Étrangers d’obtenir un laissez-passer, indispensable pour permettre l’expulsion, d’autres encore trouvent d’autres moyens.
Témoignage d’un hébergeuse :
« Aujourd’hui nous avons pu comprendre la position d’A, qui comprend parfaitement les choix qu’on lui propose. Personnellement, je ne peux qu’admirer la dignité avec laquelle il nous a dit “I’m in Europe, not in Africa, I have rights, I’m not a criminal, if I ask asylum in Belgium it is outside, not here”. Il comprend le zigzag mais ne veut pas zigzaguer, au fond il est venu en Europe parce qu’il croyait aux droits de l’homme, des droits bafoués du fait de son incarcération. Digne et fier. Il n’a plus non plus grand chose à perdre, n’ayant plus de famille… Bien sûr nous avons essayé d’argumenter encore pendant une heure, nous verrons… Mais aujourd’hui je ne le comprenais que trop bien. »
Souvent, ces actions portent leurs fruits. Des grévistes de la faim par exemple sont libéré·e·s après 20, 30 ou 40 jours car devenu·e·s « Not Fit to Fly » vu leur état de santé.
Il est tout simplement inconcevable qu’après avoir épuisé toutes les voies juridiques pour obtenir une libération, des personnes doivent mettre leur vie en danger. Ces actions sont souvent soutenues par les codétenu·e·s et/ou par des personnes de l’extérieur, mais pratiquement jamais par les ONG ou le monde associatif qui s’abstiennent de prendre position.
Paroles d’un détenu suite à une manifestation devant le 127bis :
« Je suis sans voix, vous êtes admirables. Vous avez bravé la pluie, le vent et la police présente pour crier notre liberté. J’en ai pleuré, vous êtes des gens formidables que j’aimerais rencontrer. Merci à tous, je suis infiniment touché. J’ai senti que si vous en aviez le pouvoir, nous serions tous libres. Cela m’a donné de la joie et de l’espoir. Du fond du cœur, merci. »
Mais souvent aussi ces récalcitrant·e·s seront expulsé·e·s par surprise et illégalement, donc sans respecter la régularité de la procédure.
Ainsi pour une dame qui avait témoigné des violences subies lors d’une tentative d’expulsion:
« Cinq hommes sont venus la prendre ce matin au centre pour l’amener en pyjama à l’aéroport. »
Et pour un homme enfermé à Vottem :
« Ils viennent de me donner mon billet à 18h pour demain 10h30, c’est un monsieur qui m’a arrêté à la cantine pour me donner mon billet, c’est une blague ! J’ai pas vu mon assistante depuis au moins une semaine et là ils me donnent un billet le samedi soir, comme si ils ne le savaient pas avant. Ils ne veulent pas nous laisser le temps de nous rendre compte, ils font toujours les choses par surprise, pour nous empêcher de réagir, c’est terrible », « quand tu arrives là-bas au Congo, il faut de l’argent comment je vais faire ? »
Il est complètement perdu, il oscille entre dégoût du système et pense toujours pouvoir dialoguer avec les membres du personnel pour éviter l’expulsion, je ne suis pas certaine qu’il veuille encore résister.
A Vottem aussi, la tentative d’expulsion passe par le mensonge :
« De manière sournoise on a tenté de lui faire signer une demande de retour volontaire au lieu de l’accusé de réception d’un colis. On a prétexté l’appel d’un médecin pour l’écarter du groupe et l’enfermer en isolement sans moyen de communication avant déportation. »
Pour les personnes demandeuses d’asile et sans papiers en centre fermé dont les demandes sont rejetées par l’Office ou le CGRA, cette proposition de retour volontaire est conseillée avec insistance, quitte à les maintenir en détention pendant très longtemps jusqu’à ce qu’elles craquent.
Témoignage d’une personne de soutien à une dame enfermée depuis plusieurs mois :
« Madame E, que je suis depuis deux semaines, a décidé de signer un retour “volontaire” et sera expulsée. Elle vit en Belgique depuis neuf ans, y a de la famille et surtout sa fille de 19 ans. Elle a eu différents jobs, en ce compris bénévole pour des institutions publiques (!), qui ne pouvaient pas lui donner de contrat puisqu’elle n’avait pas de papiers. La Chambre du conseil a ordonné (si j’ai bien compris, à plusieurs reprises) sa libération. L’OE s’est cependant acharné et a systématiquement porté l’affaire devant la Chambre des mises en accusation qui lui a donné raison. Madame E me dit en plus que sa demande de régularisation était en cours et n’a pas eu le temps d’aboutir. Elle ne supporte plus d’être enfermée et a demandé à son avocat d’organiser son retour volontaire. Elle ne connaît plus personne dans son pays et n’a actuellement réussi à joindre aucune ancienne connaissance qui pourrait l’accueillir à son arrivée. Bref, rien de très réjouissant pour la fin de la semaine mais, pourtant, ce qui la panique le plus, c’est de laisser sa fille seule qui n’est à ses yeux encore qu’une enfant. Cette dernière connaît également des problèmes administratifs avec sa carte de séjour de résidente de l’UE et a des problèmes personnels. Elle s’organise donc pour que sa fille ait plusieurs personnes vers qui se tourner après son départ. Vraiment ridicule et honteux. »
F, 21 ans, Marocaine, 5 mois en centre fermé. Sa famille vit en Belgique et est en séjour régulier.
« L’assistante sociale la menace “tu vas bientôt recevoir un ticket, si tu vas à l’aéroport et que tu te laisses expulser, je parlerai aux policiers pour que tu n’aies pas 3 ans d’interdiction Schengen, réfléchis, c’est mieux pour toi”. Sous la pression elle a signé un papier pour accepter son retour et éviter une interdiction Schengen. Elle n’a pas reçu de copie et n’a pas pu me lire ce qu’il y avait sur le papier – a priori c’est un retour volontaire qu’elle a signé. »
Sous la menace, ces personnes signeraient n’importe quoi après un séjour terriblement éprouvant dans un centre fermé, pour mettre un terme à ces tortures quotidiennes et pour échapper aux expulsions de force.
« Ferme et humain » appellent-ils ces pratiques.
Mensonges, intimidations, violences, fausses promesses sont leurs pratiques.
FEU AUX CENTRES FERMÉS
STOPDEPORTATION
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