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woensdag 29 augustus 2012
L'action diplomatique belge dans le conflit des Grands lacs : une stratégie du déshonneur au service de l'infamie ? », Alban Kefler et Lukoji Ilunga d'Africanews rédaction 2012
La diplomatie belge tente de préserver le sort de Paul Kagame et de Joseph Kabila. Mais en dépit de ses efforts, elle semble se heurter à un nouveau courant diplomatique très actif dont les propositions pour le règlement des conflits des Grands lacs ont déjà convaincu une grande partie de la communauté internationale et des congolais. Les nouveaux artisans de la paix progressent calmement et avec intelligence vers l'objectif qu'ils se sont fixés : combattre le mal en suscitant l'éveil de la conscience patriotique congolaise. Leur influence croissante n'a d'égal que le désarrois profond des vainqueurs d'hier.
Hier adulé, aujourd'hui isolé et condamné, demain peut-être proscrit, Paul Kagame vie l'agonie politique des grands dictateurs. Il paie le prix de son impudence dans la gestion du processus de balkanisation de la RDC. Exagérément hardi, il a en effet fini par exposer trop ostensiblement la face cachée des conflits dans les Grands lacs et par fâcher ses précieux soutiens. Ces derniers prennent prudemment et publiquement leur distance. Mais orgueilleux et déterminé, l'homme fuit en avant et intensifie son action prédatrice en RDC, espérant profiter des faiblesses structurelles que lui a patiemment ménagées tout au long de son mandat présidentiel, son complice Joseph Kabila, afin de compenser sur le terrain une position politiquement très fragile. Cependant l'éveil d'une certaine conscience patriotique congolaise a fortement réduit la capacité de nuisance de Joseph Kabila qui n'est plus en mesure, sauf trahison, d'assurer efficacement sa réplique. Incapables de survivre en eau claire, ni l'un ni l'autre n'ont désormais plus d'avenir politique crédible.
Mais la diplomatie belge fait la sourde oreille. Elle joue ouvertement son va-tout. Faisant fi des évidences du rapport des experts des Nations Unies, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, s'emploie officiellement à « préserver le dialogue entre le Rwanda et la RDC », refusant obstinément de voir en Paul Kagame un facteur d’aggravation du conflit mais plutôt une partie de la « solution » pour la restauration de la sécurité internationale dans la région des Grands lacs et en RDC. Mais cette gymnastique verbale ne trompe personne. La défense de certains intérêts d'ordre privé pousse décidément la diplomatie belge dans des chemins de traverse dangereux, trop en marge de la décence que pour inspirer la confiance, y compris dans ses propres rangs. Réagissant avec la modération qu'il sied à sa haute fonction, un officiel belge attentif aux développement du dossier nous confie fort mal à l'aise que « La Belgique a indéniablement un rôle à jouer et doit le faire avec la lucidité nécessaire par rapport à la politique menée par le gouvernement rwandais ».
Paul Kagame mène sur le terrain une politique offensive cynique, brutale et sans aucune perspective. Il évolue dans un déni total de la réalité et renforce l'ostracisme international dont il fait l'objet de toutes parts. Il ne donne aucun signe de bonne volonté, niant même avoir un nez au milieu de la figure. Comment dans ces conditions pourrait-il prendre part à la solution au problème ?
L'homme sombre dans la schizophrénie. En « autocrate isolé » comme se plaisent à le nommer nos confrères du Financial Time, il pousse même la propagande jusqu'à l'absurde. Il décline le répertoire de la victimisation de l'ethnie tutsi sur tous les registres lexicaux s'appuyant plus, pour convaincre les esprits, sur le peu d'estime et de considération dont pâtissent les communautés congolaises que sur la réalité des faits. Tel est le cas par exemple lorsqu'il s'érige en protecteur des populations congolaises dites « rwandophones » menacées selon lui d'un génocide en préparation à l'Est de la RDC. Une argumentation sciemment confusionnelle qui ne résiste guère à l'analyse lucide tant les populations congolaises de l'Est de la RDC, linguistiquement swahiliphones, ne sauraient être plus « rwandophones » que les habitants des cantons belges germanophones ne sauraient être « allemagnophones ».
La propagande va même jusqu'à faire dénoncer la « chasse aux Rwandais organisée dans les rues de Bruxelles » et la « xénophobie » de certains groupuscules congolais. Mais même en Belgique, une grande majorité de l'opinion publique s'est faite dubitative. Elle est au courant de la compromission de ses « élites » dans le dossier des Grands-lacs et de la partialité de certains médias francophones du Royaume. Elle n'est plus dupe et n'oublie pas qui du régime de Kigali et du peuple congolais est l'agresseur et l'agressé et qui des deux pille les ressources naturelle de l'autre.
Sous le manteau de la victime, Paul Kagame s’essouffle et la diplomatie belge n'y peut plus rien. Les récentes conférences d'Addis-Abeba et de Kampala concluant à la création d'une force internationale d'interposition ont en réalité été des fiascos pour la délégation rwandaise et un succès pour la délégation congolaise. Mais un succès cependant très handicapant pour Joseph Kabila. La grande fragilité politique de Kigali et l'incandescence du chaudron congolais face à l'agression rwandaise ont davantage encore fragilisé son autorité. Là où, précédemment, il lui était possible de travailler en intelligence avec son allié rwandais sans avoir trop à craindre des rebuffades de ses obligés congolais, il lui faut désormais être extrêmement prudent et éviter de trop s'exposer. Un entrepreneur sud africain travaillant à Lubumbashi de nous confier ironisant que « Kabila a déjà perdu la tête, mais elle n'est pas encore au bout de la lance ».
C'est ainsi que piégé par ses propres turpitudes entre le marteau rwandais et l'enclume congolaise, Kabila fait profil bas. Aux délégations congolaises qui se rendaient à Addis-Abeba et à Kampala, il s'est ainsi contenté du bout des lèvres d'une consigne éloquente : « ménager le plus possible le Rwanda », laissant à ses délégués un semblant d'autonomie dans la négociation. S'engouffrant ainsi dans la brèche, ces derniers se sont saisis des « propositions relatives au règlement définitif de la crise des Grands lacs pour le rétablissement et le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous région, la pacification total et la stabilisation du Congo », remarquablement développées par leur compatriote Frédéric Boyenga Bofala dans son incontournable ouvrage « Au nom du Congo Zaïre ». L'effet ainsi suscité dans l'assemblée officielle par la redoutable efficacité de l'exposé des délégations congolaises et par la qualité de rédaction de leur dossier fût saisissant. Pris de court par une partie congolaise soudainement galvanisée face à l'arrogance stérile et suicidaire de la délégation rwandaise, Paul Kagame a bien tenté par la suite d'arracher à Goma dans le cadre du sous-comité des ministres de la Défense de la CIGL un accord plus favorable. Mais l'accord du 17 août 2012 est en réalité un nouvel échec pour Kagame. Certes, l'accord prévoit bien le déploiement à l'intérieur des frontières de la RDC d'une « force régionale d'interposition », mais ni Kagame, ni Museveni n'ont pu y obtenir la présence de leurs armées respectives. Dans ce contexte, on voit difficilement qui accepterait de financer le coût exorbitant d'une telle force.
En vérité la négociation de Goma aura eu le mérite de pousser Kabila dans ses retranchements. En cédant aux exigences rwandaises sans exiger de contrepartie, et ce contre l'avis même de ses propres déléguées et conseillers qui avaient pourtant effectué les semaines précédentes un remarquable travail préparatoire, Joseph Kabila a renforcé à son égard un sentiment légitime de suspicion. Son comportement résonne dans l'esprit des congolais désormais attentifs, comme une trahison de trop, une ultime et incompréhensible capitulation marquée du sceau de l'infamie.
Dans un tel contexte, lorsqu'en dépit des évidences la diplomatie belge se réserve de toute condamnation franche et claire à l'égard de Kagame, on comprendra qu'elle cherche avant tout à aménager à ce dernier un temps précieux pour lui permettre de maintenir coûte que coûte le statut quo. En d'autres termes, la diplomatie belge ne cherche pas, n'a jamais cherché et ne cherchera sans doute jamais de réelle solution au conflit des Grands lacs sauf à y être contrainte par les événements. En attendant, elle fait le dos rond espérant que le chien cessera sous peu d'aboyer. La Belgique confirme ainsi qu'elle est bel et bien aux côtés du Rwanda et de Joseph Kabila, un acteur majeur et irréductible du processus déstabilisateur de la balkanisation de la RDC. L'une de nos consœurs du Financial Time nous dira très judicieusement que « La Belgique a depuis longtemps perdu la clef des chaînes que Kagame a verrouillé à son cou.»
Pendant ce temps, les nouveaux artisans de la paix continuent de veiller discrètement. Ils cheminent patiemment vers la sortie du labyrinthe dans lequel ils ont subtilement enfermé les protagonistes du conflits. Pour ces derniers le fil d'Ariane n'est désormais plus qu'un nœud inextricable de contradictions. L'influence de ces nouveaux artisans de la paix sur la diplomatie internationale croît à mesure que Paul Kagame et Joseph Kabila s'enferrent. Alors, ils observent avec attention la progression du chef de la diplomatie belge. Ce dernier, pressé dans le dos par une classe politique congolaise désormais relativement désinhibée par rapport à Joseph Kabila et ouvertement acquise aux idées contenues dans l'ouvrage de leur compatriote Frédéric Boyenga Bofala, plaide d'une main l'élargissement du mandat de la MONUSCO. Il sait pertinemment que cette proposition clairement formulée dans cet ouvrage est une exigence incontournable de la résolution du conflit. Toutefois sachant bien que pareille proposition ne peut ni agréer Kagame ni Kabila, Didier Reynders plaide de l'autre main que "La solution la plus efficace est une action conjointe de la RDC, du Rwanda et des autres partenaires de la région pour faire cesser cette rébellion" ! Une telle gestion morganatique du conflit est sans perspective.
Il n'est pour les esprits éclairés qu'une seule voie de sortie de crise dans le conflit des Grands lacs. C'est celle sagement présentée par Frédéric Boyenga Bofala. Ce projet fait en soi l'unanimité dans la communauté internationale. Il en est de même chez les congolais qui ont trouvé dans les écrits de ce brillant intellectuel le substrat qui leur manquait pour cultiver la conscience patriotique qui sommeillait en eux. L’accélération du processus de balkanisation et la fuite en avant des principaux protagonistes au conflit, les gesticulations diplomatiques belges, l'exploitation des sensibilités sécessionnistes et fédéralistes congolaises par des puissances occultes, et même l'occupation armée des territoires de l'Est par le Rwanda et l'Ouganda au terme d'une violation grave du principe de l'uti possidetis juris : rien ne semble avoir été laissé au hasard. Tout semble avoir été providentiellement anticipé et planifié pour la réussite de cet ambitieux projets de paix, l'avènement d'un grand mouvement national au Congo et l'établissement d'un nouvel ordre politique en Afrique centrale.
Tout, y compris le pire des scénarii s'il devait advenir. Ainsi dans « Congo-Zaïre, Notre Cause », cet ouvrage d'une étonnante clairvoyance publié en 2003 et dont nous ne saurions que vous recommander la lecture (http://www.unir-mn.org/notre-cause.html ), Boyenga Bofala gravait déjà dans le cœur de ses compatriotes en guise de message d'éveil et afin qu'il échappe toujours à leur distraction, ce principe stratégique fondamental : « il n'est pas absolument nécessaire, pour que notre peuple puisse reconquérir son indépendance, que le territoire du Congo-Zaïre forme un tout ; il suffit qu'il subsiste, comme actuellement, une dernière parcelle, si petite soit-elle, de notre peuple et de notre Etat qui, jouissant de la liberté nécessaire, puisse non seulement conserver le dépôt de la communauté spirituelle de la nation congo-zaïroise toute entière, mais encore préparer les voies et moyens de la politique qui sera menée pour reconquérir notre souveraine indépendance.
J'invite mes compatriotes à une profonde réflexion sur le fait que quand un peuple de soixante millions d'hommes comme celui du Congo-Zaïre supporte en commun, pour conserver l'intégrité de son Etat, le joug de l'occupation et de l'asservissement, cela est pire que si notre peuple et notre Etat avaient été démembrés comme nous le vivons aujourd'hui, une de leurs parties restant encore en liberté. En supposant naturellement que la partie libre soit pénétrée de la sainte mission sacrée qui lui incomberait : non seulement elle doit proclamer avec vigueur, sans se lasser, que le peuple du Congo-Zaïre est indissolublement uni par son esprit et sa culture, mais aussi prendre les mesures nécessaires pour le préparer à l'emploi d'une politique forte dont il aura à se servir pour affranchir définitivement et réunir à nouveau les territoires encore opprimés.
Nous devons réfléchir en outre que, lorsqu'il est question de reconquérir nos territoires occupés, il s'agit d'abord pour Kinshasa, capitale de la République, de réorganiser sa puissance politique et son indépendance ; qu'en pareil cas, les intérêts non fondamentaux de nos territoires occupés doivent malheureusement être momentanément et provisoirement sacrifiés à la seule chose stratégiquement importante : réorganiser rapidement et efficacement les structures du siège du pouvoir de l'Etat. Car ce ne sont pas les vœux de nos compatriotes opprimés ou les protestations qui délivreront les fragments de notre peuple ou les provinces de la République, mais bien l'emploi d'une politique forte et d'une diplomatie dissuasive bien élaborées par les restes, demeurés plus ou moins indépendants, de ce qui fut autrefois la patrie unie.
Aussi, pour reconquérir nos territoires occupés et rétablir l'intégrité de notre patrie, la condition préalable à remplir est de donner, par un travail acharné, plus de force et de vigueur à ce qui reste de notre Etat, ainsi qu'à l'inébranlable résolution, sommeillant dans les cœurs de filles et fils du Congo-Zaïre, de consacrer, quand l'heure viendra, au service de la délivrance et de l'union de tout notre peuple, la puissance récupérée par l'Etat. Nous devons donc conquérir, au profit de ce qui reste de l'Etat, une puissance politique et une force telles qu'elles permettent de forcer la volonté des ennemis à venir à composition. Car nos terres occupées et nos compatriotes opprimés ne seront pas réincorporés à la patrie par des protestations enflammées, mais par les coups victorieux d'une diplomatie active et dissuasive.
Cette nouvelle diplomatie doit être pratiquée de telle sorte que notre peuple ne soit pas conduit par son héroïsme à sa perte ; elle doit veiller efficacement à sa conservation. Pour parvenir à ce résultat, tout moyen est légitime et ne pas y avoir recours doit être considéré comme un criminel oubli du devoir patriotique. Mais je veux être clair avec vous. Je crois que le Congo-Zaïre a perdu sa puissance et son règne pour longtemps et qu'il nous faudra pendant longtemps une patience désespérée, une révolte attentive pour retrouver la part de prestige nécessaire à toute nation. Mais je crois également qu'il a perdu tout cela pour des raisons évidentes. Et c'est pourquoi l'espoir ne doit pas nous quitter. »
Voilà une belle leçon de sagesse qui, nous en sommes sûrs, fera flores !
ALBAN KEFLER
LUKOJI ILUNGA
Africanews rédaction 2012
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