Madame la Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, à l’Intégration sociale et à la Lutte contre la Pauvreté,
Je vous remercie d'avoir pris le temps de me répondre. Je tiens à mon tour à revenir vers vous pour souligner certains points, vous fournir certaines informations et témoignages, et vous soumettre certaines requêtes.
Sur l'examen attentif de chacun des dossiers par l'Office des étrangers
N'eût été la vigilance et la diligence de son avocat, l'une des deux Guinéennes en instance d'expulsion mardi soir se serait bel et bien retrouvée dans l'avion le lendemain matin. C'est en effet un recours en extrême urgence introduit in extremis devant la Cour européenne des droits de l’homme concernant des mutilations génitales, déclaré recevable, qui lui a permis d'échapper à l'expulsion : la Cour a en effet estimé que certains éléments n’avaient pas été pris en compte dans son dossier et que l’expulser c’était l’exposer à « un risque de traitement inhumain et dégradant ». Je vous rappelle ici que pour L’asbl Intact et la Ligue des Droits de l'Homme, le risque de violences faites aux femmes en Guinée (excision, mariage forcé) est réel, alors qu'il est sous-estimé par les autorités belges : « Un rapport scientifique de 2005 montre que la prévalence de mutilation génitale est de 95 % et ces femmes ne bénéficient d’aucune protection ».
Sur la situation actuelle en Guinée
La Guinée est en plein marasme politique depuis deux ans, après trois décennies de régime autoritaire. La démocratie y est pour l'instant inexistante : aucun pouvoir législatif n’a pu être installé, malgré les sollicitations fréquentes et les incitations récurrentes de nombreux pays tiers, dont la France. La sécurité des gens n'est plus assurée, les arrestations, les blessés et les morts lors de manifestations, comme en mars et en avril, ne se comptent plus.
A titre d'exemple (sordide), voici le texte d'un email reçu aujourd'hui d'un correspondant en Guinée : "la Manifestation d'hier en Guinée a enregistré une nouvelle fois un mort et plusieurs bléssés dont mon jeune frère. son bras a été fracturé par les policiers dans la concession familiale. les policiers ont forcé les portailles de la cour,ils ont cassé la parabrise du véhicule, retiré des téléphones et des montres. voulant s'attaquer aux femmes, mon jeune frère et les jeunes qui s'y trouvaient se sont interposés. c'est en ce moment que son bras a été fracturé. nul été l'aide des voisins qui ont secouru massivement ma famille, il y aurait eu un drame. O. B."
Sur la visite médicale obligatoire dispensée aux expulsables
Dominique ERNOULD, porte-parole de l'Office des étrangers, interrogée par la RTBF, a rappelé que chacun des détenus a fait l'objet d'une visite médicale obligatoire avant l'embarquement. Que nous faut-il penser du médecin qui a consulté ces personnes, et en particulier ceux qui étaient en grève de la faim au 127bis depuis plusieurs jours au moment de leur expulsion ? Doit-on croire sur parole que malgré le stress induit par l'emprisonnement (toujours incompris des détenus, qui n'ont commis aucune infraction pénale), la confirmation de leur expulsion puis l'isolement au "cachot" pendant les 24 heures précédant le départ, leur état de santé physique et psychologique ne présentait aucune contre-indication au retour vers l'enfer auquel ils ont tenté d'échapper ?
Que dire également des témoignages reçus du centre de Vottem selon lesquels un détenu qui aurait résisté aurait reçu une piqûre de tranquillisants (un acte qui, pratiqué sans l'accord du patient, constitue, selon la Cour Européenne des Droits de l'Homme, un traitement inhumain et dégradant) avant de se voir menotté à une chaise roulante, scotché et casqué puis transféré au centre fermé de la Caricole et finalement expulsé (de même que le témoin direct de la scène) ? D'autres témoignages encore font état de détenus battus au départ de Vottem puis au moment du départ pour Melsbroek, témoignages confirmés par plusieurs sources.
Sur la procédure de rapatriements collectifs
"Il n’y a aucune possibilité de refuser d’embarquer dans un avion militaire, on est encadré par la police fédérale. Ce qui nous semble le plus grave dans ce type de procédure, c’est qu’il n’y a aucun témoin ; personne n’a accès, ni les journalistes, ni les organisations non gouvernementales, ni les parlementaires", selon le Collectif de résistance au centre pour les étrangers (CRACPE). Par ailleurs, "Ce qui nous semble le plus grave dans ce type de procédure, c’est qu’il n’y a aucun témoin ; personne n’a accès, ni les journalistes, ni les organisations non gouvernementales, ni les parlementaires".
Rappelons ici certains témoignages selon lesquels les déportés sont restés 30 minutes menottés pendant le vol, malgré l'état de faiblesse des grévistes de la faim !
Sur ma demande d'ouverture d'une enquête officielle sur les accusations de corruption de fonctionnaires de l'Office des étrangers et de l'Ambassade belge en Guinée
J'avais joint à mon précédent courrier une lettre ouverte émanant de 10 des Guinéens détenus au 127bis en grève de la faim, dans laquelle ils faisaient état d'accusations de corruption de la part de fonctionnaires de l'Office des Étrangers et de l'Ambassade. Je sollicitais donc des pouvoirs publics l'ouverture d'une enquête officielle. En l'absence de réponse de votre part sur ce point, permettez-moi, Madame la Secrétaire d'État, de vous réitérer cette requête et de vous informer, compte tenu de la gravité de telles allégations, qu'elle a été relayée au Parlement et à la Presse.
Sur le suivi du sort réservé à leur arrivée aux personnes déportées
Je vous demande par ailleurs de bien vouloir nommer un Représentant indépendant du personnel consulaire en place en Guinée, et de le missionner afin qu'il recueille par tous moyens des informations sur les personnes expulsées à leur arrivée à Conakry, afin que lumière soit faite sur leur situation.
Enfin, sur votre rôle et votre responsabilité en tant que décideur politique et autorité de tutelle
En tant qu'instance de tutelle de l'Office des étrangers, vous, Madame la Secrétaire d'État, n'êtes pas tenue par les décisions prises dans les dossiers individuels par l'OE, non plus que par celles du CGRA. A plusieurs reprises déjà vos prédécesseurs à ce poste ont accordé des titres de séjour (le plus souvent sur la base d'une régularisation pour "circonstances exceptionnelles"). Ce que votre Administration fait mal, vous avez le pouvoir de le défaire. Nul n'est tenu à la perfection, et c'est votre rôle que d'intervenir pour arbitrer de mauvaises décisions lorsqu'elles sont portées à votre connaissance par les citoyens ou la société civile d'une manière générale.
Si je comprends la nécessité d'une "politique des flux migratoires" du point de vue de l'État, il me semble primordial que cette politique n'aille pas à l'encontre ni du droit international, ni du devoir humanitaire de protection de la sécurité et de la liberté des individus. En dernier ressort, il vous appartient d'y veiller pour tous les individus présents sur le territoire belge, quel que soit leur statut de séjour. Il en va du rayonnement du Royaume sur la scène internationale. De même, chaque affaire portée devant la CEDH dans laquelle la Belgique est confinée au banc de la défense est autant une tâche insupportable au pays des droits de l'Homme qu'un miroir des souffrances vécues par des individus (des êtres humains) par la faute d'une machine administrative (des entités sans affect, pourvu seulement d'objectifs et d'outils) que nous nous devons de garder sous contrôle.
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame le Secrétaire d’État à l'expression de mes plus sincères remerciements.
N.C.-
Citoyen solidaire et responsable
Copies à :
Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Vice-Première Ministre et Ministre de l'Intérieur et de l’Égalité des chances,
Monsieur le Directeur de l'Office des étrangers
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"Je déteste les victimes quand elles respectent leurs bourreaux."
(J.P. SARTRE, in Les Séquestrés d'Altona)
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