12 MAI 2016/ LE BRÉSIL/ COUP D'ÉTAT !
La présidente du Brésil Dilma Rousseff a été suspendue jeudi 12 mai de ses fonctions par le Sénat, dans l'attente de sa destitution. Non pour avoir commis un délit, mais pour avoir maquillé les comptes publics, ce que beaucoup de présidents ont également fait auparavant.
En réalité, il s'agit d'un 'coup d'Etat institutionnel', et ce n'est pas un fait isolé dans la région. Il n'y a rien à reprocher à la présidente même, contrairement aux hommes politiques qui ont lancé la procédure pour la destituer. Ceux-ci sont en effet associés à des pratiques de corruption et d'enrichissement personnel, notamment le nouveau président par intérim Temer. Des actions judiciaires sont en cours contre deux tiers des parlementaires qui ont destitué Dilma!
Cela fait déjà un certain temps que le mécontentement social a gagné le Brésil. Temer et compagnie l'ont exploité à fond pour détourner la colère de la population contre Dilma, en créant une ambiance de scandales de corruption massive, où la complicité de Dilma ne fut même pas démontrée. Les grands médias, majoritairement aux mains de l'oligarchie, les ont aidés avec beaucoup d'enthousiasme. Pendant des mois, ils ont mené une campagne médiatique intensive pour destituer la présidente. Ce fut un plan bien orchestré visant à évacuer du gouvernement le PT (Partido de Trabajadores) et l'ancien président Lula. Un plan réussi.
Le 'jour #1 sans démocratie au Brésil', la situation était comme suit :
- Tous les ministres du nouveau gouvernement Temer sont des hommes blancs âgés, alors que plus que la moitié de la population brésilienne est d'origine afro-brésilienne.
- Le ministère de la Culture et des Femmes et de l'Egalité raciale a été dissous.
- Temer a annoncé qu'il fera appel à Goldman Sachs et au FMI afin de 'mettre de l'ordre dans l'économie'.
- Le ministre de l'Economie de l'Argentine a immédiatement saisi les événements au Brésil pour 'repenser' le MERCOSUR (lire éroder). MERCOSUR est l'union douanière d'un certain nombre de pays voisins et perçue comme un rempart contre l'intrusion des Etats-Unis.
Les treize ans de politique sociale et progressiste de Lula et Dilma ont exaspéré l'oligarchie et les élites. En réalisant un coup d'Etat silencieux, elles veulent se venger sur la politique centre gauche et elles essayent de préserver leurs privilèges. Elles veulent retourner au système néolibéral de l'époque avant l'accession au pouvoir du PT. Les Etats-Unis aussi se réjouissent. Ils ont intérêt à un retour à la situation précédente, et ils n'ont jamais pu digérer l'adhésion du Brésil, pouvoir économique régional, aux BRICS. Au sein du MERCOSUR et du CELAC, le Brésil a aussi conclu un grand nombre d'accords de coopération qui soutiennent la souveraineté d'autres pays de l'Amérique Latine.
Dans ce sens, nous pouvons dire qu'il ne s'agit pas uniquement d'une attaque contre le Brésil mais contre tout un continent qui a été, pendant des siècles, l'arrière-cour des Etats-Unis et qui s'était enfin mis debout. Il n'est pas étonnant alors que Temer, le président par intérim, était un informateur de l'ambassade des Etats-Unis au Brésil, comme l'a dévoilé Wikileaks récemment.
Avec ce coup d'Etat silencieux, le peuple brésilien risque de perdre les acquis sociaux. Cependant, la lutte n'est pas encore terminée. Il ne s'agit pas d'une victoire électorale des forces de droite. En outre, le gouvernement Temer n'a aucune légitimité. Les mouvements sociaux sont en train de s'unir afin de préserver la démocratie. La lutte se poursuit dans les rues. Les couches inférieures de la population savent très bien ce qui leur attend. Dans le pays voisin, en Argentine, le gouvernement ultra-néolibérale du président Macri a, en quelques mois, détruit toute une série d'acquis sociaux. “No vai ter golpe!” (Il n'y aura pas de coûp d'Etat) criait-on dans les rues il y a quelques jours. Aujourd'hui le cri "Fora Temer" (Temer dehors) résonne dans les rues du Brésil.
Nous exprimons notre solidarité avec le peuple du Brésil. Nous appelons tous les mouvements et organisations sociaux à condamner et à combattre ce coup d'Etat. Dix pays se sont exprimés contre ce coup d'Etat au Brésil en retirant leurs ambassadeurs ou en ne pas reconnaissant le gouvernement Temer. Par contre, l'Europe ne souffle pas mot.
Ceci est un attentat, non seulement contre le Brésil, mais contre tous les peuples en lutte pour la démocratie et la justice sociale.
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