EXPULSIONS
À CALAIS INFOS J+2
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Environs cinq cents personnes à la distribution de repas de ce soir. On est revenu à la situation d’il y a moins d’un mois. Au train où vont les choses, on sera revenu en milieu de semaine au nombre de personnes présentes à la veille des expulsions du 2 juillet.
Des nouvelles viennent des centres de rétention. Il se confirment que les Érythréens ont reçu généralement des décisions d’expulsions vers l’Érythrée, sachant qu’il est certain qu’ayant quitté illégalement leur pays il seront emprisonnés à leur arrivée et probablement torturés. Le gouvernement semble néanmoins rétropédaler et libérer certaines personnes avant qu’elles ne passent devant le juge, sans doute pour éviter une avalanche de jugements négatifs comme en 2009, et une probable condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme si ce n’était pas le cas. Les informations restent néanmoins fragmentaires pour l’instant, et la vision devrait devenir pus claire ces prochains jours.
Des témoignages continuent à arriver sur ce qui est arrivé après la rafle de mercredi. Ainsi ce témoignage d’Arras :
"Pour info, une vingtaine de migrants ont été largués hier soir vers 20h par la police à l’entrée d’Arras. Mon ami les a trouvé perdu sur la route et les a emmenés dans un centre d’accueil d’urgence. Ils ont appelé ce jour et retournent à Calais car aucunes places d’hébergement n’a été prévue pour les accueillir.
Aujourd’hui, beaucoup d’autres migrants attendaient à la gare et souhaitaient revenir sur Calais."
La solidarité s’organise en soutien aux exilés en rétention, à Rennes, Lille ou en région parisienne. Des tentes et des couvertures ont été collectées à Lille, dans le Basson minier, à Paris.
La police a aussi repris sa besogne : des Érythréens ont été arrêtés ce matin et relâchés au bout de cinq heures. Quand ils sont revenus à l’endroit où ils avaient dormis, leurs tentes, leurs couvertures et leurs effets personnels avaient disparus. La police tourne aussi pour repérer les différents campements, sans forcément procéder à des arrestations. La guerre d’usure contre les exilés et le sabotage de l’action des associations continuent donc.
À côté du lieu de distribution des repas, des bus emportant des exilés arrêtés s’apprêtent à sortir – mercredi 2 juillet.
EXPULSIONS À CALAIS : DÉCRIPTAGE
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Comme souvent, la séquence que nous vivons avec l’expulsion du lieu de distribution des repas et de trois squats et la tentative d’expulser du territoire une partie de leurs occupants s’inscrit dans des séquences plus larges, dont les déterminations ne sont pas toutes principalement liées à Calais.
Qui est responsable ?
C’est la mairie de Calais qui a saisi le tribunal administratif pour obtenir l’évacuation du lieu de distribution des repas occupé par des exilés depuis un mois. C’est aussi l’Office Public de l’Habitant qui avait saisi la justice et obtenu un jugement d’expulsion pour les trois squats évacués le matin du 2 juillet.
C’est l’État qui a accordé le concours de la force publique, et qui est donc à l’origine de cette opération policière coordonnée sur plusieurs lieux. C’est lui qui a donné aux policiers et gendarmes la consigne d’éloigner militants journalistes, au besoin par la violence.
C’est surtout l’État qui a décidé de coupler évacuation du campement et des squats et expulsion du territoire.
Et qui a initié après le fiasco des évacuations de campement du 28 mai une nouvelle séquence médiatique préparant les évacuations accompagnées de rafles. Suite à l’échec du 28 mais, la préfecture se mure dans le silence et ne communique plus sur le sujet. Puis elle invite le 18 juin les associations puis les médias pour leur présenter un "dispositif exceptionnel" pour les personnes qui demanderaient l’asile, et annoncer en des termes euphémisés l’expulsion du lieu de distribution des repas. Le directeur général de l’OFPRA apparait comme par miracle le soir-même au lieu de distribution des repas pour présenter le dispositif. Lequel apparait les jours suivants profondément défectueux. Visiblement l’État ne souhaite pas faciliter l’accès à la procédure d’asile et n’a pas mis en place les moyens nécessaires. Il s’agit d’une mesure en trompe-l’oeil, visant à préparer les rafles et les placements en rétention du 2 juillet : les personnes n’ayant pas demandé l’asile, elles peuvent donc être renvoyées dans leur pays sans problème. C’est à cette opération que s’est prêté le directeur général de l’OFPRA, dévoyant totalement la vocation officielle de l’organisme qu’il dirige (OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides).
Cette séquence "dispositif exceptionnel pour les demandeurs d’asile" – tentative d’expulsion des non-demandeurs est elle-même à mettre en relation avec la préparation de réforme de la législation française sur l’asile actuellement en discussion. Tant le président de la république (lorsqu’il s’est exprimé sur "l’affaire Leonarda") que le ministre de l’intérieur et les parlementaires auteurs du rapport préliminaire ont indiqué que l’un des objectifs de cette réforme était d’expulser de manière plus systématique les personnes recevant une réponse négative à leur demande d’asile. La circulaire du 11 mars 2014 ciblait déjà les déboutés du droit d’asile et recommandait aux préfets de privilégier l’expulsion vers le pays d’origine.
On voit donc que l’acteur principal de la séquence est l’État, et que le rôle de la mairie de Calais est principalement de saisir le tribunal administratif pour obtenir un jugement d’expulsion. L’État cale simplement les dates de la fin du "dispositif exceptionnel" pour les demandeurs d’asile et de la rafle sur celle de la saisine du tribunal. Sachant qu’il a fallu anticiper pour mobiliser les effectifs policiers et libérer les places en centre de rétention, et qu’il y a donc eu concertation entre l’État et la mairie.
Qu’a-t-on détruit ?
En visite à Calais, Manuel Valls alors ministre de l’intérieur avait semblé valider la proposition des associations de créer des "maisons des migrants", lieux d’accueil digne et d’accès aux droits pour les exilés, tout-au-moins comme une piste à étudier et à expérimenter. En amont des élections municipales et européennes, le ministre promet aux associations plus de solidarité, tout en mettant en place dans la réalité des moyens de répression accrus.
La campagne électorale est aujourd’hui terminée. Les quatre lieux de vie qui ont été détruits étaient des préfigurations dans la réalité de ce qu’auraient pu être ces "maisons des migrants". Et les exilés sont renvoyés à la "loi des jungles", aux campements et squats insalubres dans et à la périphérie de Calais, où ils sont relégués entre violences policières et racket par les passeurs.
Les squats des rues Auber, Masséna et de Vic ont été ouverts en même temps par le collectif "Salut ô Toit". Celui de la rue de Vic était habité par des exilés. Celui de la rue Auber par des exilés et des militants de passage. Celui de la rue Masséna était un lieu de rencontre et d’activités, qui avait tissé des liens avec le voisinage. Depuis la destruction du campement des Soudanais le 11 avril dernier, il accueillait aussi une partie d’entre eux.
Ce sont les exilés eux-mêmes qui ont décidé d’occuper le lieu de distribution des repas (voir ici et là), pour revendiquer leur droit d’être traités comme des êtres humains. Même si l’organisation collective du départ s’est estompée avec le temps et l’arrivée de nouveaux habitants souvent désorientés par leur périple vers l’Europe, il est resté un lieu partagé par les différentes communautés, ouvert sur l’extérieur, les voisins, les bénévoles, les médias.
Il reste un de ces lieux, l’ancien squat Victor Hugo, mais l’État semble le vouer à une destruction lente. Ce lieu qui accueillait les femmes exilées et leurs enfants avait mobilisé une forte solidarité et avait tissé des liens avec le voisinage. Sa situation près du centre-ville permettait aux femmes de maintenir les liens avec leurs compagnons et les membres de leur famille présents à Calais. Son déménagement dans l’ancien accueil de jour du Secours catholique, sans la moindre concertation avec qui que soit, un préfabriqué isolé au-delà de la rocade de contournement de Calais, en fait déjà un lieu de relégation, sans voisinage avec lequel tisser les liens. Il faudra beaucoup d’efforts à l’association Solid’R, qui en assure la gestion, pour en faire un vrai lieu de vie.
Le retour à 2009 ?
Augmentation du nombre d’exilés à Calais, traitement bâclé d’une épidémie de gale, nombre important de mineurs envoyés de force dans des lieux d’accueil improvisés, rafle de plusieurs centaines de personnes, destruction des lieux de vie, placement en rétention, tentative d’expulser massivement vers des pays en guerre et des dictatures : la séquence actuelle ressemble fortement à celle présidée par Éric Besson en 2009, en moins bien organisé, alors que personnes n’y croit plus ni ne fait semblant d’y croire, à commencer par les autorités qui se contentent de débiter la langue de bois au kilomètres.
Le retour à 2009 est visible jusque dans les détails. Le lieu aménagé pour la distribution des repas restant fermé, les repas sont servis quai de la Moselle, comme entre 2003 et septembre 2009. L’accueil de jour du Secours catholique étant réquisitionné pour accueillir les femmes du squat Victor Hugo, l’association retourne dans ses anciens locaux, trop petits mais moins excentrés.
La distribution des repas comme lieu de ralliement pour les personnes dispersées, le retour des mineurs emmenés de force dans des centres improvisés, le retour des personnes arrêtées et emmenées loin de Calais, l’inquiétude pour ceux qui sont encore en rétention. On pourrait reprendre presque à l’identique le journal tenu par un militant en 2009 :
"Jeudi 24 septembre : Réalité : les Afghans arrêtés mardi commencent à revenir : demandeurs d’asile, mineurs en fugue, malades de la gale (eh oui, les personnes présentant les symptômes de la gale ont été libérés, selon un concept juridique et médical innovant). Le tribunal administratif de Lille a commencé à annuler des mises en rétention, avec des motifs qui pourraient concerner une bonne part des migrants arrêtés mardi."
"Vendredi 25 septembre : Ça fait plaisir, en arrivant à la Cabina, de revoir de plus en plus de visages connus, qui sont de retour. Libérés de l’après-rafle, mineurs en fugue, cachés réapparaissant, nouveaux, il y aurait déjà une grosse centaine d’Afghans à Calais. A quelques signes comme ça à droite à gauche, je subodore que Calais va rapidement devenir un joli merdier pour les autorités. Des nouveaux chez les Soudanais aussi. Et là aussi je sens poindre quelques surprises."
Mais au-delà de ces détails d’ambiance, cet hommage de Manuel Valls à Éric Besson – on pourrait parler de réhabilitation – n’est sûrement pas fortuit. Besson qui est parti en éclaireur rejoindre Sarkozi en 2007. Valls qui personnifie la main tendue du gouvernement à l’UMP pour une coalition à venir, plus proche probablement de la situation grecque, où le PASOK tente de garder une partie du pouvoir en ayant perdu son électorat, que de la grande coalition allemande.
Les exilés n’ont rien à voir avec ces stratégies d’alliance et de communication. Mais il faut bien que quelqu’un trinque.
Jeudi 3 juillet 2014 à 18h, distribution de repas à la "Cabina", surnom donné par les exilés à ce lieu en raison du portacabine qui y a été installé pendant des années, et a servit selon les époques aux demandes d’asile,aux consultations médicales de Médecins du Monde ou aux distributions de repas, qui se sont tenues là de 2003 à 2009.
EXPULSIONS À CALAIS : INFOS J+1
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Au fur-et-à-mesure que les exilés reviennent à Calais et que les associations reprennent contact avec eux, nous avons de nouveaux éléments sur la situation. Il est par contre difficile d’évaluer le nombre de personnes concernées. Les uns et les autres sont en effet dispersés dans Calais et aux alentours, voire plus largement dans la région.
Une partie des exilés ont bien été emmenés en bus du lieu de distribution des repas dans différentes villes jusqu’à Paris, où les policiers leur simplement dit de descendre. À aucun moment ils n’ont été dans un commissariat. A priori aucun document ne leur été remis en lien avec la privation de liberté qui leur a été infligée.
D’autres ont été emmenés dans des commissariats à Coquelles, Lille, Dunkerque, Saint-Omer, Boulogne, et libérés hier en fin de journée. Certains sont porteurs d’un document en trois feuillets avec des cases à cocher correspondant à différentes questions, qui tient probablement lien d’examen de la situation individuelle. Des problèmes de traduction ont été rencontrés (des Érythréens confrontés à un traducteur en arabe) et des entraves à la demande d’asile (quelqu’un qui déclare au commissariat qu’il souhaite demander l’asile et à qui les policiers répondent que c’est impossible parce qu’il va être renvoyé dans son pays).
Des mineurs ont reparus, mais pas tous. Certains sont très jeunes, une douzaine d’année (le bel âge pour vivre à la rue). Comme les autorités ne se soucient d’eux que pour les arrêter, il faudra rapidement que nous réussissions à savoir où ils sont et à renouer le contact avec eux (spécial remerciement au président du conseil général, responsable de la protection de l’enfance, pour qui ces gosses ne sont pas des humains mais un problème migratoire).
Quelques femmes ont réapparu, mais là encore on ne sait où sont les autres. Certaines étaient enceintes et proches de l’accouchement, d’autres avaient des enfants de moins de six ans, on aimerait avoir de leurs nouvelles.
Il est plus facile de compter les gens lorsqu’ils sont en centre de rétention, on a donc les chiffres : 206 personnes, soient 37 au centre de rétention de Lille-Lesquin, 20 à Rennes, 20 à Metz, 30 à Oissel (près de Rouen), 17 à Palaiseau, 20 à Plaisir, 62 au Mesnil-Amelot (ces trois derniers en région parisienne). On a de premiers retours sur des décisions d’expulsion vers l’Afghanistan ou le Soudan. Ils doivent faire appel devant le tribunal administratif dans les 48h suivant leur arrivée au centre de rétention, souhaitons que les informations que nous avons données à Calais aient circulé et qu’ils aient les bons réflexes.
Les renforts de policiers et de gendarmes mobiles ont quitté Calais tôt ce matin. Il semble se confirmer que les policiers avaient pour consigne d’éloigner les militants et les journalistes au besoin par la violence, d’où l’usage important et immédiat de gaz lacrymogènes, et les arrestations à fin d’intimidation.
Mercredi 2 juillet en fin de journée, le campement saccagé après le départ de la police. Le lieu est gardé par un vigile et son chien.
Jeudi 3 juillet, le lieu nettoyé, comme si de rien n’était. Ici ont vécu et espéré jusqu’à sept cents hommes, femmes et enfants. Ils avaient choisi d’occuper ce lieu pour revendiquer leur droit de vivre comme des êtres humains. Où qu’ils et elles soient aujourd’hui, libres ou enfermé-e-s, ils et elles sont toujours debout.
Bron : Posted in Non classé
http://passeursdhospitalites.wordpress.com/
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